Retour page "fours"

Retour à la page d'accueil du site

Daniel Raimboux

LE FOUR DE SEREIN

Il a été entrepris en 1984. Je suis revenu au principe des fours de type japonais en concevant un plan original issu de mon expérience des fours précédents. Je voulais un four à deux chambres permettant de cuire les deux ou seulement la deuxième. Je voulais aussi, pour des raisons de place et d’économie (de briques et donc de combustible), qu’il soit le plus compact possible.

Les briques des fours Pointu, récupérées en 1971, qui ont été employées dans mes précédentes constructions, ont été une nouvelle fois utilisées (voûtes, face chaude des murs, du foyer, de la base de la cheminée. Elles tiennent à 1300°C en face chaude, guère plus. Complément par des briques neuves réfractaires – isolantes (1400°C, portes) et des briques isolantes (1000°C, en deuxième couche des murs). Les soubassements du four, la couche extérieure du foyer, la cheminée au dessus de 3m ont été réalisés en briques rouges de construction de Pontigny. Mêmes techniques de construction que les fours précédents : coulis réfractaire pour jointoyer les briques, fondu + chamotte pour les remplissages ; mortier de fondu et granulats réfractaires légers pour les pièces de forme (bouchons par exemple) et les soles des chambres.

Voici les photos prises pendant la construction.

DESCRIPTION :

  • Deux chambres de 650L et 580L utiles (à vide, 2m3 en tout).
  • Voûtes en forme de chaînette (explication), fines (11cm) pour diminuer le poids et la masse à chauffer, s’appuyant au même point sur le mur de séparation des deux chambres (c’est une propriété des chaînettes : la composante horizontale de la poussée d’une voûte chaînette est la même en tout point). Ainsi, les poussées horizontales des deux voûtes au profil identique s’annulent à l’endroit où elles s’appuient sur le mur interchambres. Pas de couple comme sur les fours du même type à voûtes en plein cintre, nécessitant de les épaissir pour qu’elles tiennent (en se déformant de toute façon à la longue). Ces voûtes sont recouvertes d’une première couche de quelques centimètres d’un béton de vermiculite et fondu Lafarge et d’une deuxième couche d’une dizaine de centimètres de laine de roche maintenue par un grillage lui-même recouvert, pour l’esthétique, par un enduit de sable rouge et chaux. L’ensemble, très léger, assure une très bonne isolation, avec des matériaux peu coûteux.
  • Foyer principal sous la première chambre, sur toute la largeur du four, à dimension réduite et bien alimenté en air pour augmenter le rendement. L’inclinaison du mur de face avant oblige l’air à « plonger » sur le sol du foyer, ce qui contribue à la bonne combustion.
  • Un foyer supplémentaire sous la deuxième chambre, pour deux raisons. La première tient à la montée en température (voir conduite de cuisson). L’autre est la possibilité de ne cuire que la deuxième chambre en fermant par des plaques les passages 1ère – 2ème chambres.
  • Cheminée de section assez importante (35 x 45 cm) dont la base plus large a un mur commun avec la deuxième chambre pour plus de compacité et moins de perte de chaleur.
  • Dispositif à ma connaissance original du réglage de tirage (voir conduite de cuisson).
  • Portes faites de briques réfractaires – isolantes, légères, cerclées dans un cadre métallique, suspendues à des poutres métalliques par des roulettes. Elles ferment vite et hermétiquement les chambres (plus de maçonnerie en fin d’enfournement !). Les avantages des fours à gaz ou électriques. Ces portes sont munies de regards, à hauteur des yeux et en bas, formés de tubes carrés 6x6 insérés dans les briques et débordant à l’extérieur. Une fente sur trois côtés permet de fermer l’extrémité des tubes par des verres pyrex qu’on nettoie de temps en temps. On surveille ainsi deux séries de montres, l’aspect des flammes, leur couleur, leur passage dans la masse à cuire. Le tirage se règle sans quitter l’œil des regards.

Ce four cuit en 10 à 12 heures avec 2 stères et demi de bois maximum. Le rendement du foyer est excellent. Pas de débraisage, pas d’air secondaire. J’avais prévu 4 trous de 8x9cm, au dessus de la grille, en face avant du foyer ; on les voit sur la photo. Je les ai finalement bouchés car ils n’apportaient rien. Deux seaux de cendre à retirer. Il faut entre 8 h et 10 h pour monter la première chambre à 1300°C puis 1h30 à 2h pour remonter la deuxième de 1000°C à 1300°C.

PLANS

CONDUITE DE CUISSON

J’utilise le plus souvent du chêne ou du bouleau.

Le chêne brûle avec une flamme courte, bruyante, très chaude. Le bouleau est un bois fabuleux. Il faut bien sûr qu’il soit fendu vert. Il donne une flamme longue et molle, douce, silencieuse qui passe bien autour des pots et dispense sa chaleur sans points chauds comme le chêne. L’acacia, bruyant, est aussi très bon.

Voir un exemple de courbe de suivi de la température.

Petit feu jusqu’à environ 500°C atteints en 4 à 5 heures. Le bois, en gros morceaux au début puis moyens à gros, est introduit par l’ouverture principale du foyer, sous la grille (1 sur les plans). Les ouvertures latérales (2) sont bouchées. Montée lente au début, dépendant du taux d’humidité des pièces ou si l’on fait une cuisson de dégourdi ou d’émail. Tirage réglé à 5 ou 6/10.

Grand feu : A partir de cette température, on a un beau lit de braises dans le cendrier et on change d’alimentation : le bois de grosseur moyenne est introduit au dessus de la grille (3), par petites charges au début, pour éviter une montée brutale de la température. En effet, les flammes commencent à monter en haut de la voûte à chaque charge, et à lécher les pots. On augmente progressivement les charges, « en suivant le feu ». L’ouverture principale est à moitié obstruée (1) et les deux ouvertures de chaque côté sont débouchées (2). Globalement, la même quantité d’air entre dans le foyer, mais plus étalée en largeur.

On passe de 500°C à 900°C en moins de deux heures (t=7h). Je commence alors la réduction pour les céladons et les bleus de fer. A partir de ce moment, les charges de bois fendu se succèdent à un rythme qui s’accélère d’abord puis se stabilise, toujours en « suivant le feu ». Le volume du foyer au dessus de la grille est plus qu’aux ¾ rempli à chaque charge en régime de croisière. La réduction est poursuivie jusqu’à la fusion de l’émail.

A chaque charge, forte production de fumée noire (combustion très incomplète, productrice de carbone) puis installation d’une atmosphère réductrice (CO) ; long chemin de flamme assez sombre traversant les deux chambres ; un peu de fumée à la sortie ; puis éclaircissement des gaz de combustion (atmosphère neutre à légèrement oxydante, montée de la température) et raccourcissement du chemin de flamme. Dès que la flamme ne lèche plus tous les pots de la 1ère chambre, on recharge. Tirage à 5/10 pour maintenir la réduction et monter tout de même en température.

Autour de 1200°C (t=8h environ), la température en haut de la murette est plus élevée (une cinquantaine de degrés) que celle qu’indiquent les montres situées à l’opposé, côté sortie des gaz. J’alterne alors les charges normales (3) et des charges de bois introduit par le trou à gauche de la porte (4). Le bois brûle alors dans la chambre, derrière la murette. Les gaz de combustion donnent leur chaleur plus loin, ce qui remonte la température à droite (côté montres, sortie) en stabilisant la température en face chaude.

Après une dizaine d’heures, on atteint 1300°C au pyromètre (haut de murette, dans les pots, à gauche), 1280°C en face, en haut ou en bas. Pas de palier car l’arrivée à cette température est lente. On passe alors à la deuxième chambre.

Deuxième chambre

On cuit cette chambre en récupérant une partie de la chaleur emmagasinée dans la première. L’air qui traverse la première chambre se réchauffe au contact de la masse incandescente, refroidit celle-ci, et entre dans la deuxième chambre à plus de 1000°C, peut-être 1100°C. A l’intérieur de la chambre, Il fait un peu moins de 1000°C à droite (emplacement des montres). Le bois introduit en bouts fendus fin (4) explose littéralement. Charges rapprochées, montée très rapide de la température. En moins d’une heure, on atteint 1200°C.

Pendant ce temps, la première chambre s’est bien refroidie. Le pyromètre indique 800°C à 900°C et il fait plus froid en bas. Il est alors prudent de fermer l’air entrant dans cette première chambre.

Ici intervient le second foyer, sous la chambre, et la deuxième raison de son existence. En effet, alors qu’une surface de combustion réduite (derrière la murette) suffisait à monter en température avec un air entrant à 1000°C, il faut une surface de combustion presque trois fois plus importante pour apporter autant de calories avec de l’air admis à 10°C ou 30°C selon la saison (la différence n’est absolument pas sensible d’ailleurs).

L’alimentation se poursuit donc dans ce foyer en introduisant le bois par la porte (5). L’air est admis par un tunnel qui en répartit bien l’apport jusqu’au fond. La porte de ce tunnel (7), plus ou moins ouverte, assure le réglage de cet apport d’air. La porte (6) est toujours fermée en fonctionnement ; elle ne sert qu’au décendrage. Une charge de temps en temps par l’ouverture supérieure (4) pour désengorger le foyer du dessous.

 La combustion se poursuit donc avec moins de violence mais toujours très vite. Il faut 1h30 pour atteindre 1300°C dans cette 2ème chambre (montée de 300°C).

Arrêt de l’alimentation. Réoxydation éventuelle de 15 à 20 minutes (air ouvert), selon l’effet désiré sur les pots ‘les céladons ou bleus de fer sont insensibles à cette réoxydation car ils sont fondus, donc fermés. Fermeture totale des entrées d’air et du tirage. Fin de la cuisson. Silence. Douceur de la radiation du four brûlant.

Ce four refroidit en trois à quatre jours, vu son isolation. Les pièces du haut sont encore à 100°C à l’ouverture prudente et progressive des portes.

 RÉGLAGE DU TIRAGE

Un four de ce type, montant, n’aurait théoriquement pas besoin d’une cheminée pour fonctionner. Celle-ci étant obligatoire, il faut réduire son tirage. Il y a deux façons de procéder :

·     La première consiste à ouvrir progressivement une prise d’air dans le conduit de la cheminée. C’était le dispositif du petit four de Chablis. Ce système est sensible « au début » c'est-à-dire pour diminuer le tirage maximal. Mais l’effet coupure n’augmente pas proportionnellement avec la taille du trou et devient vite inefficace. En effet, Les gaz passent, poussés par la combustion et la pente ascendante du four.

·     La seconde, la plus fréquemment employée, consiste à obstruer le conduit par une plaque introduite en travers. C’était le système employé dans le four à flamme renversée de Merry-Sec. Ce système n’a aucun effet au début ; l’effet coupure est de plus en plus sensible près de la fermeture complète.

Le dispositif de réglage de tirage que j’ai installé pour ce four-ci combine les deux systèmes. Une plaque (9), articulée en bas, encastrée dans la paroi intérieure du conduit, masque une ouverture pratiquée dans ce conduit (8) lorsqu’elle est en position verticale : tirage maximal. En s’abaissant dans le conduit, elle ouvre progressivement la prise d’air puis, en basculant, elle finit par obstruer le conduit. L’effet coupure est d’abord assuré par l’ouverture progressive du trou, puis relayé par l’obstruction progressive du conduit. Le réglage du tirage, commandé devant les portes par un renvoi de câble et un système de contrepoids, est ainsi très régulier et permet une bonne maîtrise de la montée des flammes dans les chambres, et de l’atmosphère de cuisson. J’ai gradué le débattement de 0 à 10.

Pour éviter une poutre, j’ai dû déporter l’axe de cheminée. Craignant une différence d’aspiration entre l’avant et l’arrière, j’ai divisé le conduit en deux et mis en place deux plaques. En réalité, la différence est peu ou pas sensible (1/10 au maximum). Toutefois, ce double système me permet de moduler les charges et donc la montée en température entre l’avant et l’arrière s’il arrive qu’une différence de température apparaisse (je dispose en fait deux ensembles de montres, en haut, en face du regard : un plutôt devant et un plutôt au fond).

En cours de la cuisson, régime « de croisière », on ajuste le tirage pour obliger la flamme à bien monter et lécher le sommet des voûtes. Le bas de la chambre est alors en dépression (importance d’une bonne étanchéité de la porte ; justification de l’emplacement assez élevé des trous d’alimentation) et le haut de la chambre est en surpression (la flamme sort par le regard pratiqué en haut de la porte si on enlève le verre).

Lors de grosses charges, j’augmente parfois le tirage pour limiter dans le temps cette phase de combustion très incomplète, où la fumée est très noire, où la température a tendance à descendre et où l’atmosphère n’est pourtant pas spécialement réductrice. Après une minute, s’installe un régime stable de combustion réductrice et on réajuste le tirage.